Droit d'auteur : le déclic !
29/05/2020
La loi suisse sur le droit d’auteur (LDA) a été remise au goût du jour, avec entrée en vigueur le 1er avril 2020. La crise du coronavirus ayant quelque peu squatté les prompteurs, cette révision est passée quasi inaperçue. Elle contient pourtant quelques innovations intéressantes.
Parmi les nouveautés figure une disposition qui redonne ses lettres de noblesse à la photographie.
Pour en comprendre la portée, il faut savoir que jusqu’ici, et contrairement à une idée reçue, une photographie n’était pas de facto protégée par un droit d’auteur en Suisse. Il ne suffisait donc pas d’apposer son nom et le symbole © pour se voir gratifier d’un droit sur le cliché. Le caractère individuel du photographe était le critère déterminant. Deux arrêts du Tribunal fédéral permettaient de dessiner la frontière entre ce qui était couvert par droit d’auteur et ce qui ne l’était pas. D’une part, une photographie de Bob Marley (ATF 130 III 168), prise par un fan suisse à la fin des années 70 lors d’un concert a été reconnue couverte par un droit d’auteur parce que la prise de vue avait été savamment étudiée et le résultat révélait la fibre artistique de son auteur. D’autre part, pour un instantané de Christoph Meili (ATF 130 III 714) dans un couloir, sans démarche artistique particulière, le TF avait nié l’existence d’un droit à son auteure, une journaliste de presse suisse-allemande.
Désormais, et c’est la grande nouveauté, la LDA contient à son article 2 un alinéa 3bis qui indique que « sont considérées comme des œuvres les productions photographiques et celles obtenues par un procédé analogue à la photographie d’objets tridimensionnels, même si elles sont dépourvues de caractère individuel. » Sont donc maintenant protégées toutes les photos qui représentent un « objet » en 3D, peu importe les conditions du déclenchement ou le résultat.
En quoi cette nouvelle trouve-t-elle sa place dans un article d'Infosuisse, société plutôt tournée vers l’industrie que vers l’art ?
Depuis l’avènement d’Internet et de la vente en ligne, nous sommes régulièrement confrontés à des sites commerçants proposant, au marché gris, d’authentiques pièces de nos clients. Le marché gris étant par définition toléré, nous n’avons que rarement une réponse adaptée à donner à nos clients, insatisfaits de ces ventes parallèles.
Parfois, il arrive que ces revendeurs se servent de photos capturées sur les sites officiels des fabricants. Auparavant, ces photos - bien que souvent prises par des professionnels et nécessitant des connaissances particulières - n’étaient pas couvertes par le droit d’auteur. Il n’était donc pas possible d’en exiger le retrait.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque toute photographie représentant un objet tridimensionnel est désormais protégée. Comme la LDA octroie à l’auteur le droit exclusif de décider si, quand et de quelle manière son œuvre sera utilisée (art. 10 LDA), il est maintenant envisageable d’exiger le retrait de ce type de photos des sites concernés.
Une condition semble toutefois requise : il faut que la photo ait été prise et/ou ajoutée au site après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi puisque l’article 80 al. 2 LDA précise au chapitre des dispositions transitoires que « lorsque l’utilisation d’une œuvre, […] licite sous l’empire de l’ancienne loi, est prohibée par la présente, elle peut être achevée, pour autant qu’elle ait été entreprise avant l’entrée en vigueur du nouveau droit. ».
À cette dernière condition, si des images de vos produits vous semblent illicitement utilisées, vous êtes en droit d’exiger la cessation de cet usage. Nous nous tenons évidemment à votre disposition pour discuter de la stratégie à adopter et, cas échéant, de la valeur à réclamer à titre de dommages et intérêts.
CG/2020